L'Histoire à Beaussier est le site disciplinaire consacré aux élèves du lycée Beaussier de La Seyne Sur mer
G2 - Mers et océans : entre appropriation, protection et liberté de circulation
Les espaces maritimes sont des espaces fortement appropriés par les hommes : en témoignent la navigation, les actes de piraterie ou encore la pollution des eaux en surface ou des fonds marins. Les actes de piraterie dans le golfe d’Aden ou la pollution plastique à la surface de l’Océan Pacifique sont deux bons exemples de cette appropriation mais aussi de problèmes qu’elle soulève.
Les mers et les océans sont à la fois des espaces de libre circulation (droit, pour tout type de flux, de se déplacer librement dans un pays, de quitter celui-ci et d’y revenir) et des territoires en partie contrôlés par les États : ce contrôle passe par une appropriation (prise de possession d’un territoire par un État) mais aussi une protection (adoption de mesures pour limiter ou supprimer l’impact négatif des activités humaines sur l’environnement) des espaces maritimes. Le droit international cherche à y réguler les activités (navigation, exploitation des ressources…) mais ces espaces font l’objet de nombreux enjeux d’appropriation.
Problématique : Pourquoi l’appropriation des espaces maritimes génère-t-elle des enjeux multiples à toutes les échelles ?
I. Des espaces maritimes de plus en plus appropriés
A. Un partage fondé sur le droit international
Le partage des espaces maritimes repose sur le droit international, c’est-à-dire sur le droit qui définit les relations entre les États et les organisations internationales. Le droit de la mer (composante du droit international qui règle les relations entre États en ce qui concerne l’utilisation de la mer et leurs pouvoirs sur les espaces maritimes) a été défini par la Convention des Nations Unies pour le droit de la mer (CNUDM), signée à Montego Bay (Jamaïque) en 1982.
Plus on est proche des côtes d’un État, plus les droits souverains sont importants ; plus on s’en éloigne, plus la liberté est grande : pleine souveraineté d’un État côtier sur ses eaux territoriales (eaux appartenant totalement à un pays, comprises dans la limite de 12 milles marins à partir de la côte), puis souveraineté sur la zone économique exclusive (espace maritime d’un État côtier qui s’étend sur 200 milles marins à partir du littoral et sur lequel l’État est souverain en matière d’exploitation des ressources de la mer). Au-delà, les eaux internationales, ou haute mer (espace maritime situé au-delà des zones économiques exclusives, non soumis à la souveraineté des États côtiers), sont des espaces de libre circulation, où l’exploitation des fonds marins est réglementée par l’Organisation des Nations unies.
B. Certains États disposent d’immenses ZEE
Il existe d’importantes inégalités d’accès à la mer pour les États. Sur les 193 que compte la planète, 153 disposent d’une zone économique exclusive et 40 sont des États enclavés (États n’ayant aucune ouverture sur la mer donc aucune zone économique exclusive). Les États disposant de zones économiques exclusives étendues le doivent à trois facteurs essentiels : le fait de disposer de plusieurs façades maritimes, le fait de disposer de nombreux territoires ultramarins et le fait d’être une vaste île éloignée d’autres territoires. Les trois pays ayant les plus vastes zones économiques exclusives sont les États-Unis (12,2 millions de km2), la France (10,1 millions de km2) et l’Australie (9 millions de km2).
Les États côtiers peuvent réglementer l’accès à leurs zones économiques exclusives et l’exploitation des ressources naturelles martines (poissons et crustacés, hydrocarbures, minerais…) qui s’y trouvent. En 2018, les espaces maritimes appropriés par les États, c’est-à-dire les zones économiques exclusives, représentent 36% de la surface des mers du globe (la haute mer représente, à elle seule, 64% de la surface des mers du globe).
C. Un droit qui protège et qui permet d’exploiter
Le droit de la mer protège la haute mer. Définies comme « Biens communs mondiaux », les eaux internationales ne peuvent être appropriées ou revendiquées par aucun État. Concrètement, tous les pays peuvent en exploiter les ressources, tous les pays peuvent y faire librement circuler leurs navires… Dans le cadre de la pêche, c’est le premier chalutier présent qui a le droit de prélever les stocks de poisson ; dans le cadre des hydrocarbures, c’est la société pétrolière ou gazière qui découvre le gisement qui obtient le droit de l’exploiter.
L’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), créée en 1994 sous l’égide de l’Organisation des Nations unies, gère les autorisations d’exploitation des ressources minérales au fond des océans. Elle peut accorder aux États qui le demandent une extension de leur zone économique exclusive jusqu’à 350 milles marins afin d’y exploiter les ressources des sols et des sous-sols marins. Le 11 juin 2020, la France a obtenu le droit d’étendre sa ZEE de 151 323 km2 dans l’Océan Indien (autour de La Réunion, des îles Saint-Paul et Amsterdam et dans les Terres australes et antarctiques françaises ou TAAF). Une précédente extension de près de 500 000 km2 avait été autorisée en 2015 dans la même région du monde pour la France.
II. Des espaces maritimes qui font l’objet de rivalités
A. Des tensions pour les richesses maritimes
Les richesses maritimes et leur partage attisent les tensions entre États. Les mers en voie d’exploration pour les minerais, les zones de pêche, les réserves d’hydrocarbures, les contentieux sur le tracé des zones économiques exclusives sont des sources de rivalités entre les États côtiers. En effet, les États cherchent à s’approprier en premier les ressources qui se trouvent au-delà de leur zone économique exclusive, dans les eaux internationales : dans cette zone, la règle du « premier arrivé premier servi » prévaut.
Dans l’Océan glacial Arctique, la fonte de la banquise suscite les convoitises des pays riverains (États-Unis, Canada, Danemark, Norvège, Russie) pour l’exploitation des ressources et la maîtrise des nouvelles routes maritimes marchandes (notamment la route appelée « route du Nord-Est », qui passe par l’Océan glacial arctique et qui relient l’Amérique ou l’Europe à l’Asie, en passant par le pôle Nord). Ces tensions entre États peuvent être de haute intensité comme dans l’Océan Indien, où l’Inde essaie par tous les moyens de limiter l’influence commerciale et militaire de la Chine dans cette zone d’influence qu’elle considère comme sienne.
B. Des menaces sur la liberté de circuler
La liberté de naviguer sur les océans est plus en plus menacée. La liberté de navigation ainsi que la sécurité des navires sont souvent remises en cause dans de nombreux détroits, où ils doivent ralentir leur vitesse et où ils deviennent des cibles faciles pour les pirates : c’est le cas dans le détroit de Malacca, au large de Singapour. La situation se produit aussi dans certaines mers où les tensions sont fortes entre États voisins : la Chine cherche à imposer sa souveraineté (droit pour un État d’exercer son autorité sur un territoire et sur une population) sur des espaces maritimes qu’elle considère comme historiquement rattachés à son territoire, comme l’archipel japonais de Senkaku, que la Chine revendique et appelle l’archipel de Diaoyu.
La piraterie est également importante dans le golfe d’Aden, dans le golfe de Guinée et le détroit de Malacca, en raison de l’étroitesse de ces zones de navigations (les navires doivent ralentir), de l’intensité du trafic maritime, ainsi que de la cherté des matières transportées. La lutte contre la piraterie mobilise de nombreux États afin d’arrêter les pirates et tenter d’assurer la sécurité sur les mers et les océans, comme l’opération Atalante dans l’Océan Indien.
C. L’affirmation de la puissance sur les mers
La maîtrise des mers et des océans est un facteur d’affirmation des puissances navales (États ayant la capacité à agir sur les espaces maritimes et à en tirer profit grâce à une flotte et à des bases navales). Un petit nombre d’États dispose d’importantes flottes militaires leur permettant de protéger leurs intérêts commerciaux et militaires en mer : les États-Unis, la Chine, la Russie, le Royaume-Uni, le Japon, l’Inde, la France, la Corée du Sud…
Les États-Unis disposent des forces navales les plus importantes au monde : elles sont présentes sur tous les océans du globe. Véritables gendarmes maritimes mondiaux, les États- Unis disposent de 11 porte-avions mais ils doivent composer avec la montée en puissance de la marine chinoise qui possède aujourd’hui deux porte-avions et de nombreux sous-marins. L’Inde est également une puissance navale émergente, particulièrement dans l’Océan Indien : en 2018 déjà, le tonnage des bâtiments de combat de l’armée indienne dépassait le tonnage de la France (300 000 tonnes pour l’Inde contre 280 000 tonnes pour la France).