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H4 - La fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts d'un nouvel ordre mondial
En 1945, les capitulations de l’Allemagne et du Japon sont rendues possibles par l’alliance militaire et diplomatique des États-Unis et de l’URSS notamment. Mais l’ampleur des pertes humaines et des destructions matérielles liées à la guerre sont absolument colossales.
Les puissances victorieuses espèrent faire de l’année 1945 le début d’une nouvel ordre mondial (expression désignant l’état des relations internationales, fondées sur la paix, la sécurité et la prospérité).
Cependant, l’alliance entre les États-Unis et l’URSS se fissure et leur rivalité idéologique débouche sur la Guerre froide (conflit idéologique et indirect entre les États-Unis et l’URSS) à partir de 1947.
Problématique : Pourquoi la fin de la Seconde Guerre mondiale ne traduit-elle pas par l’établissement d’une paix immédiate et mondiale ?
A. Un très lourd bilan matériel
Les dégâts matériels liés à la Seconde Guerre mondiale sont considérables. En Europe comme en Asie, les villes sont des champs de ruines. Elles sont les premières cibles de bombardements : en Allemagne, Berlin a perdu la moitié de ses logements ; au Japon, Hiroshima a été rasée sur un rayon de 2 kilomètres ; en Pologne, Varsovie est détruite à 85%.
Les économies sont exsangues. Les infrastructures de transport et de production sont endommagées : en URSS, 54% des lignes de chemin de fer sont hors d’usage et 50 à 70% des logements ont été détruits. Les économies tournent au ralenti : dans presque tous les pays, le PIB de 1945 est inférieur à celui de 1939 (moins 22% en URSS, moins 20% en URSS…)
Seuls les États-Unis, qui sont épargnés par les destructions, sont les grands vainqueurs économiques de cette guerre : ils voient leur production industrielle a doublé entre 1939 et 1945 pour soutenir l’effort de guerre (production d’armes et d’armements).
B. Des dizaines de millions de morts
La Seconde Guerre mondiale entraîne un choc démographique : avec un bilan compris entre 50 et 70 millions de morts, la Seconde Guerre mondiale est le conflit le plus meurtrier de l’histoire de l’humanité, dont 62% sont des civils. La politique génocidaire nazie a coûté la vie à 6 millions de Juifs, soit près de 40% de la communauté juive mondiale.
Les populations sont touchées par des famines à cause des prélèvements et des destructions. Un million de Japonais sont morts de faim en 1945-1946. Le rationnement (limitation de la vente et de l’achat de nourriture par un système de tickets) dure généralement jusqu’en 1950.
Des déplacements de population ont lieu. Des millions de déportés et de travailleurs forcés rentrent chez eux à la fin de la guerre. Les flux de populations s’accentuent avec le changement de tracé de certaines frontières. Au printemps 1945, cinq millions de déplacés (civils qui se trouvent en 1945 en dehors de leur pays d’origine) sont recensés dans la seule Allemagne.
C. Un traumatisme de grande ampleur
La guerre génère des traumatismes. Entre août 1944 et janvier 1945, les Soviétiques, les Anglais et les Américains libèrent les camps de concentration et les centres de mise à mort. Même si des informations circulent dès 1942, la médiatisation des camps nazis crée un véritable choc moral : à leur retour, rares sont les rescapés qui témoignent.
Bien que les Japonais et les Américains taisent les conséquences des bombardements atomiques, le nombre de morts (compris entre 150 000 et 250 000 personnes) et le développement des cancers et des leucémies soulèvent l’effroi : quelques voix, comme le philosophe français Albert Camus, dénoncent l’usage de l’arme atomique et à partir de 1949, un mouvement pacifiste voit le jour, réclamant l’interdiction des bombes atomiques.
Après la guerre, le procès de Nuremberg (novembre 1945-octobre 1946) juge 22 criminels de guerre nazis, dont Hermann Goering, le Ministre de l’aviation. Pour la première fois, les notions de génocide (destruction programmée, méthodique et systématique, totale ou partielle, d’un groupe en raison de son origine, de sa religion ou de son appartenance ethnique) et de crime contre l’humanité (violence généralisée ou systématique contre une population civile). Trois accusés sont acquittés, douze sont condamnés à mort et pendus, les autres sont emprisonnés.
Les Alliés lancent aussi la dénazification (politique mise en œuvre par les Alliés en Allemagne à partir de 1945 consistant à épurer la société allemande du nazisme) de l’Allemagne à partir de 1945 mais il s’agit d’une opération difficile. De nombreux dirigeants nazis ont pu fuir le pays (comme Klaus Barbie, le chef de la Gestapo de Lyon de 1943 à 1944), d’autres ne sont pas inquiétés ou continuent même à exercer des fonctions politiques (comme Kurt Kiesinger, membre du parti nazi dès 1933, qui est chancelier de RFA entre 1966 et 1969).
Au Japon, les Américains organisent le procès de Tokyo (mai 1946-novembre 1948). Vingt-huit militaires et ministres, dont le général Tojo, l’ex-Premier ministre, sont jugés pour crimes contre la paix, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Tous les accusés sont déclarés coupables.
II. Après la guerre, un nouvel ordre mondial
A. Empêcher le retour de la guerre
La volonté de favoriser une paix durable est un désir précoce. Esquissée dès août 1941 avec la Charte de l’Atlantique signée par Roosevelt et Churchill, l’Organisation des Nations unies est officiellement fondée le 26 juin 1945 à la conférence de San Francisco. Sa charte de fondation énonce ses objectifs : maintenir la paix et étendre la démocratie sur la planète.
L’ONU ne souhaite pas refaire l’erreur de la Société des Nations (SDN). La SDN fonctionnait à l’unanimité et était souvent paralysée. Pour éviter cela, il est décidé que les cinq vainqueurs de la guerre (URSS, États-Unis, Royaume-Uni, Chine et France) soient membres permanents du Conseil de sécurité et disposent d’un droit de veto sur les décisions.
Les États membres s’engagent à respecter le principe de l’égalité entre nations et à unir leurs forces pour maintenir la paix et la sécurité collective (système qui veut assurer une paix durable par une solidarité active entre les États qui garantissent mutuellement leur indépendance).
B. Reconstruire les économies
Afin de reconstruire le système financier mondial, deux modèles s’opposent. Dès 1942, le britannique John Meynard Keynes et l’américain Harry White sont mandatés pour réformer le système. Tous les deux veulent une banque mondiale mais Keynes souhaite favoriser la croissance économique avec une monnaie internationale (le bancor) alors que White veut stabiliser les taux de change (prix d’une monnaie par rapport à une autre) avec un fonds spécial.
Les accords de Bretton Woods sont signés en juillet 1944, après de longues négociations entre les 44 pays alliés. Une Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) voit le jour et le Fonds monétaire international (FMI) est créé afin d’assurer la stabilité du système financier mondial. Les accords sont très favorables aux États-Unis puisque seul le dollar est convertible en or (en 1945, les États-Unis détiennent deux tiers du stock mondial d’or) et parce que le siège de la BIRD et du FMI sont implantés à Washington.
La croissance économique repart rapidement après-guerre grâce à la reconstruction, au nouvel élan donné aux échanges commerciaux et aux aides financières versées par les États- Unis (plan Marshall en 1947 en Europe de l’Ouest et plan Dodge en 1949 au Japon) : elle atteint des niveaux élevés (+5% par an dans les pays d’Europe, +9% par an au Japon). Dans les pays occidentaux, le PIB brut par habitant double entre 1945 et 1960.
C. Protéger les populations
À la fin de la guerre, l’idée d’une généralisation de la protection sociale fait surface. L’État- providence (forme politique dans laquelle l’État intervient dans le domaine social et économique pour garantir le bien-être de ses citoyens) est expérimenté par le chancelier allemand Bismarck dans les années 1880, avec un système d’assurances sociales pour les ouvriers puis dans les pays scandinaves lors de la crise des années 1930. En 1941, l’article 5 de la Charte de l’Atlantique en fait un moyen de la paix.
En novembre 1942, paraît au Royaume-Uni le rapport Beveridge du nom de l’économiste britannique William Beveridge qui l’a rédigé : il y définit le Welfare State (expression signifiant État-providence en anglais) et propose que ce-dernier ne se limite pas à redistribuer des richesses mais qu’il mette les populations à l’abri des risques et du besoin. Après la guerre, les démocraties occidentales adoptent ce modèle, avec des variantes nationales. Les lois sociales se multiplient : création de la Sécurité sociale en France en 1945, loi sur la « retraite du peuple » en Suède en 1946, loi sur la santé au Royaume-Uni en 1948…
• Rédigé le 15 mars 1944, le programme du Conseil national de la Résistance constitue le fondement de l’État-providence en France. Il propose :
- des réformes économiques telles que :
> « l’intensification de la production nationale selon les lignes d’un plan arrêté par l’État » : c’est la planification (fixation d’objectifs incitatifs de production)
> « le retour à la nation des grands moyens de production » : c’est la nationalisation (propriété qui bascule entre les mains de l’État).
> ces propositions viennent du Parti communiste, qui s’est fortement impliqué dans la résistance pendant la guerre et qui est le premier parti en France en 1945 (il recueille 26% des voix aux élections législatives d’octobre 1945) ;
- un ambitieux programme de réformes sociales qui propose :
> des droits sociaux pour les salariés : « le droit au travail et le droit au repos » ;
« la garantie d’un niveau de salaire » ; « la reconstitution d’un syndicalisme indépendant » ; « un plan complet de sécurité sociale » ; « la sécurité de l’emploi » ; « la retraite ».
> ce programme s’inscrit dans un contexte de souffrances qu’illustre la présence de déportés et de résistants (comme Marcel Paul et les militants communistes arborant des décorations et un brin de muguet).